Je n’oublierai jamais l’arrivée de mon père. Il
Je n’oublierai jamais l’arrivée de mon père. Il avait depuis longtemps déjà renoncé à la musique. Adieu tournées avec son orchestre et croisières sur le « Liberté », adieu Jamaïque et cocotiers, c’est l’époque où il travaillait en usine à Suresnes. Il avait encore ses pinces à vélo et était équipé contre le froid pour sa traversée du bois de Boulogne. Je lui présente Jean-Yves, et il commence à se déshabiller. Sa grosse veste canadienne et son béret d’abord. Ensuite un gilet rembourré, puis une première chemise de bûcheron. Un maillot de corps à manches longues, avec en dessous une autre chemise, en toile celle-ci, les couches se succèdent, papa continue à s’effeuiller comme on épluche un oignon, le tout dans un silence pesant. C’est interminable. Jean-Yves n’en perd pas une miette, assis dans l’unique fauteuil de notre nid douillet. Atterrée, je me réfugie dans le minuscule réduit qui nous sert de cuisine et m’affaire à la préparation du dîner. Je me dis que si ses sentiments pour moi résistent au strip-tease de mon père, tous les espoirs me sont permis !
Nous n’en avons jamais parlé, mais je suis sûre que lui non plus n’a jamais oublié cette scène, l’assimilant peut-être à un rituel d’intégration dans ma famille…