Alors que l’orchestre joue les premières mesures
Alors que l’orchestre joue les premières mesures de « Fascination », Bülent se lève et invite Madeleine à danser. « Désolée, mon carnet est plein, voyez vous-même », répond-elle en lui tendant son carnet de bal. « D’ailleurs, voici mon cavalier pour cette danse », ajoute-t-elle tandis qu’un étudiant pakistanais s’incline en lui offrant son bras. Alors qu’ils rejoignent la piste de danse, Bülent consulte le carnet de nacre. En effet, la liste de noms est longue. Aucune chance pour un tango, ni même un charleston.
Mais déjà, son danseur raccompagne Madeleine sur les premiers accords d’un fox-trot. Aussitôt, Bülent se lève. « Je crois que cette danse est pour moi. » Flattée de son obstination, Madeleine sourit. « Je vous ai dit que c’était impossible pour ce soir. » « Vous avez dû mal lire. Regardez mieux. »
Elle ouvre son carnet de bal. Bülent a rayé tous les noms et inscrit le sien à leur place. Le jeune homme qui avait réservé Madeleine pour cette danse et qui assiste à la scène s’éloigne, compréhensif. Contrariée mais au fond charmée de tant d’impudence, elle se lève et prend le bras que son cavalier lui offre.
Les deux mois suivants, ils ne se quittent pas. La demande en mariage ne tarde pas mais Madeleine hésite. La jeunesse de Bülent, qui n’a que dix-huit ans, les dix années qui les séparent mais aussi leurs cultures, si éloignées l’une de l’autre, lui donnent à réfléchir. Elle finit par accepter, mais le moment est venu pour son futur époux de quitter le sol américain, son visa venant d’expirer. Qu’à cela ne tienne, ils décident de prendre le premier bateau qui quittera le port. Il se trouve que c’est un bananier à destination de Port- au- Prince.